Comme il l’a annoncé, après avoir consacré ses premières sorties internationales à la Mauritanie, la Gambie, la Côte d’Ivoire,… le nouveau président sénégalais, Bassirou Diomaye Faye, effectue ce jeudi 30 mai 2024, une « visite d’amitié et de travail » au Burkina Faso. Elle s’inscrit dans une lancée qui devra le conduire également dans les trois autres pays à régimes exceptionnels, à savoir la Guinée, le Mali et le Niger. Une démarche qui vient sans doute consolider l’axe Dakar-Ouaga, mais également tenter une conciliation dans la rupture avec la CEDEAO.

La dernière visite de ce type (visite d’amitié et de travail) entre les deux pays remonte à octobre 2017, avec le président du Faso d’alors, Roch Kaboré, accompagné d’une forte délégation des membres du gouvernement ; séjour au cours duquel, il a été élevé à la dignité de Grand-Croix de l’Ordre national du Lion. « Cette visite s’inscrit dans le cadre des concertations permanentes entre les deux chefs d’Etat et vise à consolider les liens étroits de solidarité et les excellentes relations de fraternité, d’amitié et de coopération qui unissent les deux pays et les deux peuples. (…). Les deux chefs d’Etat ont eu des échanges approfondis sur la coopération bilatérale notamment, dans les secteurs de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, du commerce, de la défense et de la sécurité, de l’agriculture, de la justice et de la promotion des droits humains. Ils ont relevé, en particulier, la bonne collaboration entre les ministères en charge de l’enseignement supérieur et se sont engagés à œuvrer davantage au renforcement de la coopération bilatérale et à sa diversification », rendait compte le communiqué final de la visite au cours de laquelle des accords dans les domaines sécuritaire, judiciaire et de l’éducation ont été signés et les deux chefs d’Etat ont également planché sur des questions politiques et sécuritaires aux niveaux sous-régional, régional et international.

Ce déplacement au « pays des diambars » a été suivi à la mi-décembre de la même année du séjour de travail à Ouagadougou du ministre sénégalais des affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur, Sidiki Kaba. Ce fut une occasion pour les deux parties sénégalaise et burkinabè de passer au peigne fin la coopération bilatérale.

Plusieurs domaines constituent donc le portefeuille de coopération entre les deux pays. On peut citer au passage la coopération en matières d’enseignement et de formation ; la coopération économique et commerciale ; la coopération culturelle, sociale et judiciaire ; la défense et la sécurité ; l’administration territoriale et la décentralisation ; l’urbanisme ; la pisciculture ; l’action sociale et de la solidarité nationale ; les sports et loisirs, etc.

C’est dire que les présidents Diomaye Faye et Ibrahim Traoré marchent, en principe, sur un terrain fertile d’amitié et d’éléments de coopération qui ne demandent qu’à être nourris et bonifiés.

L’on peut à ce sujet dire que la tendance ne s’est pas rompue, lorsqu’on note que, pas plus tard qu’en mai 2023, en marge de la réunion ministérielle africaine de la culture, le ministre en charge de la culture du Burkina, Jean Emmanuel Ouédraogo a eu une séance de travail avec son homologue sénégalais, d’où il a été question de renforcement de la coopération culturelle entre les deux pays. Le Burkina, pays du FESPACO, le Sénégal, pays qui fait parler de lui ces dernières années en matière de productions cinématographiques, pourraient constituer un tandem gagnant, notamment pour les acteurs du secteur.

Par ailleurs, dans le contexte actuel de retrait annoncé de la CEDEAO, et au moment où le président Diomaye Faye opte pour une démarche de brassage africain, de rassemblement, cette question communautaire va s’imposer dans la banque de sujets. On s’aperçoit d’ailleurs que le 16 mai 2024 à Abuja, en audience chez le chef de l’Etat nigérian, Bola Tinubu, président en exercice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), le président Bassirou Diomaye Faye a été exhorté par son hôte, à travailler en vue de faire « revenir au bercail », le Burkina, le Mali et le Niger. Le dossier sur le retrait des trois pays de l’AES (Alliance des États du Sahel) de la CEDEAO préoccupe donc à divers niveaux, et les efforts se déploient pour rattraper ce qui peut l’être. En fin avril 2024, par exemple, le Conseil des sages de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), organe de médiation, a invité les trois pays à reconsidérer leur position « dans l’intérêt de l’unité de la communauté, de la cohésion, de l’intérêt général de leurs populations et de l’intégration régionale »

Le 21 mai 2024, le Parlement de la CEDEAO a, lors de l’ouverture de sa deuxième session extraordinaire, pris l’initiative de travailler avec toutes les parties-prenantes, en vue de convaincre l’AES de ne pas se retirer. Une annonce du Parlement qui fait suite à l’appel lancé par le président de la Commission de la CEDEAO, de tout mettre en œuvre pour éviter le départ des trois Etats de l’organisation.

A quelques sept mois de la prise d’effet du retrait annoncé, de nombreux observateurs sont autant convaincus que la CEDEAO a des insuffisances à combler qu’elle doit exister en tant qu’organisation communautaire, avec tous ses membres au complet.

C’est dire donc qu’au-delà du bilatéral, cette visite d’amitié et de travail du président Bassirou Diomaye Faye est aussi d’un enjeu important pour les dirigeants de la CEDEAO.

Oumar L. Ouédraogo
Lefaso.net