Du 20 au 24 novembre 2018, s’est tenue à Marrakech au Maroc, la huitième édition du sommet panafricain des autorités locales (8e Africités). Ce sommet regroupe, tous les trois ans, des élus locaux, des représentants des Etats au niveau central, des partenaires techniques et financiers, des ONG, etc. Le Laboratoire Citoyennetés a pris activement part à ce sommet, d’une part, en organisant et en co-animant une session sur « Coopération transfrontalière et sécurité » avec l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et, d’autre part, en facilitant la participation d’élus de communes et régions partenaires du Burkina et du Niger.

Plus de 6 900 participants, dont 2 600 étrangers, plus de 150 conférences thématiques, tables-rondes et ateliers techniques, des rencontres bilatérales et multilatérales visant à nouer ou à renforcer des partenariats, plusieurs conventions signées… Ce sont là, quelques chiffres et résultats de cette édition d’Africités 2018 dont le thème était : « La transition vers des villes et des territoires durables : le rôle des collectivités locales africaines ».

Outre le Laboratoire Citoyennetés, le Burkina y a été représenté par une forte délégation composée, entre autres, du secrétaire d’Etat en charge de la Décentralisation, d’élus locaux (maires et présidents de conseils régionaux), de responsables de services techniques (centraux, déconcentrés et décentralisés), de partenaires techniques et financiers, d’Organisations de la société civile, etc. Grâce à l’appui du Laboratoire Citoyennetés (LC), trois maires de communes partenaires (Dori, Diabo et Ouahigouya) et le président du Conseil régional du Centre-Ouest ont participé à ce sommet.

A l’instar des leurs homologues de tout le continent, ces élus locaux ont ainsi participé à diverses rencontres de haut niveau, notamment l’Assemblée générale de CGLA (Cités et gouvernements unis d’Afrique) qui est l’initiateur et porteur du sommet, l’Assemblée générale des régions d’Afrique et différentes sessions. Ils ont, en outre, pu faire des rencontres bilatérales avec des partenaires potentiels et des experts qui pourraient déboucher sur des offres d’accompagnement dans la gestion de leurs collectivités respectives. Certains ont signé des conventions de partenariat. C’est le cas du maire de Dori qui, avec d’autres maires d’autres pays, a signé une convention avec l’UEMOA sur la coopération transfrontalière.

En outre, la commune rurale de Diabo, dans la région de l’Est, partenaire du LC, a obtenu et animé un stand qui lui a permis d’exposer ses réalisations, projets et potentialités économiques locales.

Le président du LC en compagnie de Jean-Pierre Elong Mbassi, le secrétaire général du CGLUA (DR)

De l’importance du local transfrontalier dans la lutte contre l’insécurité

La session sur la coopération transfrontalière en lien la problématique de sécurité, co-animée avec l’UEMOA le 20 novembre 2018, a été un moment fort de partage des expériences du LC en matière d’accompagnement des collectivités territoriales en Afrique de l’Ouest. En effet, à partir d’une expérience pilote de recherche-action entamée en 2003 autour de l’accès aux services publics de base (état civil, santé, éducation, eau et assainissement, etc.) dans plusieurs communes d’Afrique de l’Ouest (Bénin, Burkina Faso, Mali, Niger, Sénégal), le Laboratoire Citoyennetés s’est positionné comme un pionnier sur le local transfrontalier.

Ses travaux ont permis d’identifier et de mettre en débats des enjeux globaux de citoyenneté et de gouvernance, de questionner les politiques d’intégration à l’aune des réalités quotidiennes des populations, des collectivités territoriales frontalières ouest-africains (UEMOA et CEDEAO).

Ils ont permis également l’expérimentation de propositions innovantes de construction de réseaux transfrontaliers de collectivités territoriales, d’OSC et de radios locales notamment dans le cadre de la mise en œuvre du programme Action publique et citoyennetés (APC, 2009-2016). Près d’une centaine d’initiatives de coopération transfrontalière, portées par les collectivités, des communautés de base, des radios locales et des groupements socioprofessionnels, ont été identifiées et documentées dans les Espaces SKBo (Sikaso – Korogho – Bobo-Dioulasso – aux frontières entre le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire et le Mali) et dans le Liptako-Gourma (Burkina Faso, Mali et Niger).

Dans le Dendi Ganda (espace ethnolinguistique transfrontalier partagé entre le Bénin, le Niger et le Nigéria, constitué de onze communes pour une superficie d’environ 1 000 km²), le LC a entrepris de relier les collectivités territoriales frontalières. Son accompagnement, à travers le Programme d’appui aux collectivités territoriales (PACT – Niger) a abouti à la signature d’un protocole d’entente avec la mise en place d’un cadre de concertation entre trois communes (Malanville au Bénin, Gaya au Niger, Kamba au Nigeria). Le PACT – Niger, tout comme APC, a bénéficié de l’appui financier de la Coopération suisse.

Le député-maire de Dori, Ahmed Aziz Diallo, a co-animé la session du 20 novembre (DR)

Toutes ces initiatives de coopération transfrontalière prennent en compte la problématique de la sécurité, notamment en matière de mobilisation et d’engagement des élus locaux ; de sensibilisation des populations sur la cohabitation pacifique et la nécessité de bâtir un vivre-ensemble apaisé et de combattre la radicalisation sous toutes ses formes, de développer et mutualiser des infrastructures socioéconomiques qui améliorent l’accès des populations aux services sociaux de base, de renforcer les liens entre communautés frontalières et la collaboration avec les forces de défense et de sécurité. Ce sont ces expériences que le Laboratoire Citoyennetés a partagées avec les participants à la session.

D’autres initiatives, notamment soutenues par l’UEMOA dans presque les mêmes espaces transfrontaliers, ont été présentées aux participants à la session. Il s’agit d’expériences des élus locaux des espaces SKBO (comprenant les régions des Cascades et de Bobo-Dioulasso (Burkina Faso), Tchologo, Poro, Folou, Bagoué (Côte d’Ivoire) et Sikasso – Mali) et C3 Sahel (comprenant les communes de Téra et de Tillabéri (Niger), les communes de Gao et de Tombouctou (Mali), et les communes de Dori, Gorom Gorom, Djibo, Séba (Burkina Faso).

Au terme de débats forts enrichissants, les participants ont été unanimes sur l’impératif de replacer les collectivités territoriales au cœur des politiques sécuritaires. D’autant plus que les groupes terroristes s’installent le plus souvent dans une collectivité frontalière et traversent pour attaquer d’autres collectivités dans un pays voisin. Aussi les participants ont fait plusieurs recommandations à l’endroit des Etats, des instances régionales et panafricaines (UEMOA, CEDEAO, UA), des collectivités territoriales, des partenaires techniques et financiers, des organisations de la société civile.

Par Aicha Traoré